SUR LA ROUTE AVEC LA RELèVE AUX FRANCOS DE MONTRéAL : SANDRA CONTOUR, DOUANCE ET RAU_ZE

Après le Festival Santa Teresa, à Sainte-Thérèse, et le Festival de la chanson de Tadoussac, on est rentré à Montréal le temps d’une immersion dans tout ce que la musique francophone a de mieux à offrir, aux Francos, qui célébraient cette année leur 35e anniversaire.

Sur toutes les scènes du Quartier des spectacles, les chansons en français de tous les styles ont fait vibrer les rues Sainte-Catherine, Jeanne-Mance, Maisonneuve et Saint-Urbain. Pendant quelques jours, il fut en effet difficile de fréquenter le secteur sans faire une découverte, entendre une chanson pour la première fois.

C’est notre premier souci, en fait, lance le directeur de la programmation des Francos de Montréal, Maurin Auxéméry. Ce n’est pas compliqué. On a beaucoup plus de fierté à participer au développement d'un artiste de la relève et le voir grandir, plutôt que de programmer les grands noms qui sont évidents. Lou-Adriane Cassidy, Thierry Larose et Ariane Roy, qui ont rempli le MTelus lors du premier samedi du festival, c’est pour nous une fierté de savoir qu’on les a accompagnés jusque-là. Surtout avec ce projet-là, Le Roy, la Rose et le Lou[p], puisqu'il est né aux Francos il y a deux ans.

Comme l’équipe de programmation des Francos de Montréal ne peut pas avoir des yeux partout, c’est grâce à d’autres organisations, qui font briller la relève toute l’année, que les Francos peuvent cueillir une à une leurs prochaines étoiles. Plus spécifiquement, le festival montréalais met en lumière les gagnants de Ma Première Place des Arts et les Révélations Radio-Canada.

Il y a aussi l'École nationale de la chanson qui vient présenter son concert des finissants et notre projet, La Traversée, ajoute Maurin Auxéméry. Cette année, La Traversée regroupait les Européens, Lisa Ducasse et Oete et les Québécois Virginie B et Radiant Baby.

C’est un mécanisme de rencontre entre deux artistes locaux et deux artistes européens qui partent pendant une semaine écrire de la musique et monter un spectacle ensemble ici au Québec. Ils vont faire le spectacle sur une scène des Francos et vont ensuite aller en France, faire exactement la même chose à l'inverse, complète le programmateur.

Choisir de se lancer

Pour Sandra Contour, qui a remporté Ma Première Place des Arts (MPPDA) cet hiver, la dernière année a été remplie de surprises et cela lui a permis d'émerger d'une longue période de doute par rapport à son art. L’an dernier, à pareille date, je n’étais pas pour tout abandonner en musique, mais presque, lance celle qui a fait paraître son premier album, J’ai pas d’visite, le 10 mai dernier.

Je me suis beaucoup amusée sur scène, se souvient-elle par rapport à MPPDA. C’est la première fois que j’avais l’opportunité de peaufiner avec d’autres personnes mon identité sur scène. J’avais Michel-Olivier Gasse comme mentor et ce concours nous encadre beaucoup. Il y a toujours de l’aide, quelque chose qui nous propulse. Ça a été un gros trampoline.

Ergothérapeute de formation, durant les dernières années, la musicienne originaire du Lac-Saint-Jean a choisi de laisser l’art prendre le dessus, une décision difficile à prendre dans un contexte de plus en plus aride pour l’ensemble des vocations artistiques.

Tu ne sais pas la portée que ton art va avoir jusqu’à ce que tu le fasses. J’ai passé la dernière année à recevoir de la reconnaissance de la part du milieu et je ne peux rien faire d’autre que me laisser porter par ça, dit-elle. Pour elle, les concours et les festivals, et plus largement, l’entièreté des mains tendues représentent des chances à prendre parce qu’on ne sait jamais.

Les festivals la plongent également dans une série de rencontres où des personnes qui aiment les mêmes choses qu’elle se rassemblent, discutent et se comprennent. J’apprends de plus en plus à avoir besoin des autres. À part quand j’étais avec Gabriel Desjardins, qui a réalisé mon album, la dernière année a été très solitaire.

En profitant de toutes les opportunités qui se présentent à elle, l’autrice-compositrice-interprète a le sentiment de faire un clin d’œil à une ancienne version d’elle-même.

Je me trouve chanceuse parce que quand j’étais étudiante en ergothérapie, j’allais voir des shows en fin de session. Je suis allée voir The Head And The Heart, une fois, au Cercle, à Québec. Il y avait une violoniste incroyable dans le groupe et je braillais ma vie parce que, le lendemain, j’avais un examen et je me demandais pourquoi ce n’était pas moi, cette personne qui gagne sa vie avec le violon, un de mes instruments.

Première partie deviendra tête d’affiche

Durant la préparation des Francos 2024, Maurin Auxéméry est tombé sur une vieille photo qui l’a beaucoup fait sourire. Je pense que ça date de 2016, dit-il. On voit les Européennes Clara Luciani, Pomme et Angèle. Cette année-là, elles faisaient des petits spectacles vitrines pour les professionnels de l’industrie et des premières parties. Moins de dix ans plus tard, elles sont toutes passées sur de grandes scènes ou devant des salles combles durant notre festival.

Avec son projet musical Douance, Alexandrine Grégoire est montée sur la scène des Francos cette année en première partie de Valence.

Honnêtement, ça change tout, lance-t-elle en parlant de sa première fois sur la scène du festival. Parce que dans un festival, il y a un grand bassin d'artistes. Les gens vont dans les festivals parce que ça vient avec une ambiance, parce que c'est une façon plus abordable de voir plein de choses en même temps. Tu peux jouer devant plein de gens qui ne te connaissent pas, qui vont probablement aimer ton projet, mais qui ne seraient jamais venus dans une salle de spectacle si ça avait été juste toi et que ça avait coûté 20 $.

Après la sortie de son premier album complet, Monstre, le 23 février dernier, elle se réjouit du nombre de festivals qui ont choisi de l’inviter cet été. J'ai eu la chance de faire le Festival de la chanson de Tadoussac et je vais aussi jouer à La Noce, à Chicoutimi, sur la grande scène, après Philippe Brach et avant Le Roy, la Rose et le Lou[p]. Je suis dans un beau sandwich.

Pour un artiste émergent qui fait paraître ses premières chansons, obtenir une part du gâteau des festivals québécois, surtout les Francos, c’est un grand pas en avant. Je pense que ça représente un peu comme le début de quelque chose, un genre d'approbation de la scène québécoise qui te donne la crédibilité nécessaire pour poursuivre.

Pour les fiers représentants de cette relève motivée et talentueuse, les coupes budgétaires s’érigent comme premier grand défi à surmonter. Alexandrine appréhende déjà le moment de faire ses demandes de subventions pour son deuxième album alors que bon nombre de ses confrères et consœurs peinent à obtenir leur financement.

C’est tellement déjà difficile de vivre de sa musique au Québec, dit-elle. Le fait que ce soit de plus en plus difficile d’avoir accès aux subventions, ça représente une autre couche de difficulté qui n’était pas nécessaire.

La musique de Douance, c’est une ambiance grunge qui se laisse porter vers certaines voies plus légères. Je pense que c'est un projet qui veut donner de la place aux émotions négatives tout en ne les prenant pas trop au sérieux et en leur donnant le droit d'exister, explique la musicienne. Sur l'album, je parle beaucoup d'incertitude, du sentiment de se sentir inadéquat, de perception de soi. C'est là où je voulais aller avec le champ lexical autour du monstre. Parce qu'on dirait que parfois on se sent un peu monstrueux, alors qu’on ne l’est pas.

Vitrines, invitations, collaborations

Aux Francos cette année, le tapis rouge était déroulé pour Rau_Ze, qui fait partie des Révélations Radio-Canada. En plus d’autres artistes – dont Les sœurs Boulay – qui ont invité Rose Perron à chanter avec eux, la formation musicale était invitée sur la scène des Francos dans cinq contextes différents.

On fait un peu de tout. On fait de la musique pop, mais nos influences viennent du R&B, du jazz, de la soul, explique Félix Paul. On parle de santé mentale, ajoute Rose. Je pense qu'on n'a pas essayé de faire une grosse prise de position politique directe. On a essayé de diffuser un langage et des thèmes qui sont sous-représentés selon nous dans la musique pop actuelle.

Aux Francos, on peut passer en ville de manière anodine et entrer en contact avec un artiste qu’on n’avait jamais vu et qu’on va aimer pour toujours et c’est ce dont se réjouissent Rose et Félix. Il n'y a pas cette pression-là de payer un billet, dit Rose. À longueur d'année, on fait des shows dans des salles à moitié pleines, parce que les gens n’ont plus les moyens de payer pour les arts, nous y compris. Puis l'été, c'est la petite récompense de pouvoir faire des shows gratuits.

La dernière année a été remplie de rebondissements pour le duo montréalais. On a fait l'album (Virer nos vies, 29 mars 2024). Ça a occasionné beaucoup de premières fois. On s’est bâti une équipe, une petite famille, autour de nous, pour nous encadrer et nous permettre d’amener notre projet plus loin , élabore Félix.

La philosophie des Francos de Montréal est précisément tournée vers le développement des artistes, selon Maurin Auxéméry, ce qui risque de permettre toujours plus de rencontres entre de nouveaux artistes et leur public, comme celles qui ont eu lieu pour Douance, Sandra Contour et Rau_Ze.

Après plusieurs mois de travail pour arriver à un enregistrement dont ils seraient fiers, Rose et Félix sont enthousiastes devant la confiance des producteurs de festivals. Ça vient un peu nous légitimer en tant qu'artistes, conclut Félix. Ça montre qu'il y a un public qui est intéressé à venir nous voir. Et ça, on en est fiers.

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