UN PROGRAMME AIDE LES PèRES INCARCéRéS à CRéER DES LIENS AVEC LEURS ENFANTS

Un père de quatre enfants raconte que ce n'est que lorsqu'il s'est retrouvé en prison qu'il est devenu une présence constante dans la vie de ses enfants.

Même s'il a toujours aimé ses enfants et voulu subvenir à leurs besoins, il explique que son approche de la paternité s'est transformée au cours de ses cinq années et demie derrière les barreaux pour des crimes liés à la drogue.

«J'ai essayé de donner à (mes enfants) une vie que je n'ai jamais eue, mais ce faisant, j'ai négligé tellement d'autres choses», a témoigné en entrevue à La Presse Canadienne l'homme qui préfère demeurer anonyme par crainte de représailles de la part de ses anciens associés.

«J'ai commencé à me demander : est-ce que je veux qu'ils se souviennent de moi pour ce que je leur ai acheté, pas pour ce que je leur ai appris?» dit-il.

Il fait partie des près de 1000 hommes incarcérés qui ont suivi depuis 2017 le programme Papa HÉROS au Canada, qui, pendant huit semaines, enseigne aux pères comment être une présence positive dans la vie de leurs enfants, à la fois en prison et lorsqu'ils seront sortis.

L’homme, aujourd’hui dans la trentaine, a déclaré qu’il n’avait pu commencer à communiquer avec ses enfants qu’après en avoir appris davantage sur lui-même. Il s'est notamment reconnecté avec son héritage mi'kmaq et sa spiritualité. Il a mené un travail d'acceptation des tragédies de sa vie – l’alcool et les drogues étaient omniprésentes dans son foyer, il a vécu le décès de son frère et d’un cousin – et a reconnu les erreurs qu’il avait commises par la suite.

«J'ai reconnu et j'ai assumé les choses que j'ai faites», a-t-il déclaré.

Cela l’a aidé à comprendre comment interagir avec ses enfants, qui faisaient face à leurs propres difficultés en grande partie à cause de son incarcération.

Ils lui ont reproché d'avoir choisi de vendre de la drogue au lieu de passer du temps avec eux et de s'être absenté pour de longues périodes, avant même son incarcération. Il a arrêté de chercher des excuses et les a laissés exprimer leur colère envers lui, raconte-t-il.

«J'ai commencé à leur parler et à comprendre les choses qu'ils faisaient (...) et je leur ai fait savoir que j'étais juste une oreille à l'écoute, qu'ils pouvaient me parler. Je n'étais pas là pour me fâcher contre eux.»

Il avait déjà commencé à faire une partie de ce travail avec ses trois enfants aînés, qui sont maintenant adolescents, lorsqu'il s'est inscrit à Papa HÉROS.

Mais sa relation avec la mère de son plus jeune enfant était tendue, ce qui rendait difficile la relation avec son fils. Il avait entendu dire que l'un des piliers du programme, administré par le Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s (RCAFD) et financé par l'organisme pour la santé des hommes Movember, était centré sur l'apprentissage de la coparentalité.

Il a appris à communiquer non seulement avec la mère de son fils, mais aussi avec son garçon.

«C'était important pour moi de trouver des moyens de construire notre lien parce que je n'avais pas une relation aussi proche avec lui, témoigne l'homme. Même des choses comme ne pas poser de questions avec des réponses en un seul mot. Dites-moi trois de vos plats préférés et trois choses que vous aimez dans ces plats. Ça aide à créer une conversation.»

Aujourd’hui sorti de prison, l’homme se dit fier du chemin parcouru. Bien que certains de ses enfants vivent loin, ils ont une conversation de groupe grâce à laquelle ils restent en contact au quotidien.

Un programme attendu

Louise Leonardi, directrice générale du RCAFD, a déclaré que les hommes demandaient à son organisme de l'aide parentale depuis des années avant de pouvoir obtenir le financement pour Papa HÉROS, dont le but est d'«aider tout un chacun à saisir les occasions qui se présentent».

Les hommes qui avaient demandé le programme demandaient non seulement des conseils parentaux, mais aussi des informations sur le développement de l'enfant, des conseils sur la communication avec les coparents et des façons de parler de l'incarcération aux enfants.

«Comme nous l'a dit un homme, les enfants ont juste besoin que vous soyez là, rapporte Mme Leonardi. Je pense que cela vaut pour tout le monde. Mais depuis la prison, cela signifie que vous restez en communication régulière, que ce soit par téléphone, en écrivant des lettres ou en ayant des visites si vous y êtes autorisé. Il est simplement important de maintenir ce lien de communication tout le temps.»

Le programme est actuellement exécuté sur 26 sites, avec des emplacements distincts selon les différents niveaux de sécurité des institutions carcérales.

Nicole Thompson, La Presse Canadienne

2024-06-15T15:39:58Z dg43tfdfdgfd