SUR LA ROUTE AVEC LA RELèVE AU FESTIVAL DE JAZZ : MéLISSA FORTIN, ALEX NICOL, SIMON LEOZA

On prend la route des festivals de musique québécois avec la relève. Après le Festival Santa Teresa, à Sainte-Thérèsele Festival de la chanson de Tadoussac et Les Francos de Montréal et le Festival BleuBleu à Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, voici les jeunes pousses du 44e Festival international de jazz de Montréal (FIJM).

Dans les groupes Canailles et Bon Enfant, on a pu découvrir Mélissa Fortin aux claviers. Formée en piano jazz, la musicienne a sorti son premier album solo, Prismacolore, le 17 mai.

Je suis au piano, mais mon projet contient autant du rock que de l’électro. C’est jazz et néo-classique. Il y a des influences romantiques peut-être, mais la structure est assez ouverte, explique Mélissa Fortin pour décrire sa musique qu’elle souhaite bâtir avec le moins d’influences possible.

Sur la scène du FIJM, mardi soir, elle s’exécutait pour l’un de ses premiers spectacles en festival. Je pense qu’on a fait six shows en tout jusqu’à maintenant, raconte-t-elle en entrevue.

La scène reste un défi bien qu'elle s'y frotte depuis longtemps. Je suis stressée [...] S’adresser au public, c’est quasiment un autre métier pour un musicien qui n’a pas cette habitude , dit-elle en riant.

Pour son spectacle au FIJM, il n’était pas question de prendre quoi que ce soit à la légère : jouer Prismacolore sur scène est complexe et nécessite une immense concentration. La prestation était quasiment mathématique.

Depuis deux ans, le festival offre un volet découverte aux professionnels de l’étranger qui veulent découvrir les artistes jazz au Québec. Mélissa Fortin, Yves Jarvis, Alex Nicol et La Sécurité faisaient notamment partie de notre petite tournée cette année, énumère le directeur de la programmation du festival Maurin Auxéméry. Je tenais vraiment à leur faire découvrir Shaina Hayes, aussi, qui est l’un de mes grands coups de cœur de cette année.

Gagner sa vie

Heureuse de pouvoir livrer son album à un public avide de découvertes, Mélissa Fortin est consciente que la scène musicale foisonne et que les mains levées pour participer aux événements à grand déploiement sont nombreuses. C’est difficile de faire un album que les gens vont écouter longtemps, dit-elle. On passe à un autre appel après quelques écoutes. Il faut être constamment présent et actif pour qu’on ne nous oublie pas.

Même si elle gagne sa vie avec la musique depuis un bout de temps, ses compositions personnelles sont demeurées longtemps sans public. Faut gagner sa vie donc je me suis surchargée de projets pendant des années et j’ai oublié de prendre du temps pour mes propres affaires, explique-t-elle. J’ai trouvé l’énergie pour me prioriser durant les dernières années. J’étais tannée que mes pièces restent dans l’ombre.

Après avoir testé le Festival de la musique émergente en Abitibi-Témiscamingue en septembre, ses pièces ont finalement vu le jour ce printemps. Même si elle a fait un spectacle qui l’a beaucoup touchée, au Verre Bouteille dans le cadre du Taverne Tour en février, elle s’enthousiasme à l’idée de vivre sa rentrée montréalaise qui fera office de lancement cet automne.

Le FIJM mise sur une variété de styles musicaux.

Les genres sont très ouverts et on ne pourrait pas dire qu’il n’y a que du jazz au Festival de jazz, affirme Maurin Auxéméry. Notre objectif est de regarder les projets musicaux sous plusieurs angles, voir s’ils ont le potentiel d’être mis un à la suite de l’autre, autant avec des grands trompettistes jazz de renommée internationale qu’avec des artistes plus accessibles.

Dans tous les cas, l’équipe de programmation se fait un devoir de tenter de trouver avant tout le monde les grands noms de demain, assure le directeur. L’idée, c’est que des artistes qui sont en train de faire un premier album, soient en contact, déjà, avec des gens qui pourraient les aimer, explique-t-il.

Des liens avec le public, un auditeur à la fois

Ce lien avec un public plus large, l’auteur-compositeur-interprète Alex Nicol l’a senti. Il y avait des gens qui applaudissaient et qui prenaient des vidéos de moi, même durant mon test de son et mon cœur était tellement rempli, dit-il. Non seulement c'était mon plus grand spectacle à Montréal, mais c'était celui qui a été écouté le plus attentivement, je crois.

L’artiste d’origine germano-canadienne, installé à Montréal depuis une dizaine d’années, se dit chanceux d’avoir eu accès à un public ouvert. Parfois, dans les shows de bar, les gens peuvent se sentir coincés ou bien ils vont boire et parler [...] et je ne pourrai pas connecter avec eux, explique-t-il. Dehors, à la lumière du jour, j’avais l’impression de créer des vrais liens avec les gens pour une des premières fois.

Depuis la parution de ses deux microalbums, Been A Long Year, Vol. 1 & 2 en 2023, le musicien a le sentiment d’être monté à bord d’une montgolfière qui ne fait que monter. Depuis que je me suis présenté au monde avec cette musique, j’ai l’impression que je flotte et qu’on m’offre beaucoup d’opportunités, ajoute-t-il.

Enfant, sa mère l’amenait souvent en Allemagne écouter un jeune artiste qui chantait notamment une chanson à propos d’un cheval. À quatre ans, je chantais déjà cette chanson et mes parents ont su que j’aimais chanter, raconte-t-il.

Il a ensuite fait partie d’un chœur de garçons, en Ontario. C’est à l’adolescence qu’il a appris la guitare et réappris à chanter avec sa voix d'adulte.

Réussir à remplir des salles pour des spectacles est un défi, mais ce qui lui est le plus difficile, c'est tout ce qui entoure la présentation de soi devant le public.

Il croit néanmoins que la musique émergente bénéficie d'une bonne réception dans la Belle province. Même hors des grands centres, on sent que les gens sont intéressés à découvrir de la nouvelle musique et je ne pense pas que ce soit autant le cas ailleurs au Canada, dit-il.

La sortie de son prochain album enregistré aux États-Unis est prévue en 2025. L'artiste sera en tournée cet automne en Europe.

La naissance des passions

Le métissage des genres au FIJM est une des plus grandes fiertés de Maurin Auxéméry. Le projet Les Envolées nous permet d’inviter des combos universitaires et des big bands de cégeps, soutient-il.

Selon lui, la création de vocation par l’exemple est déterminante en musique jazz. On veut se servir des scènes découvertes pour créer des vocations, dit-il. Par exemple, un jeune qui verra toutes les possibilités d’un trio comme celui de Simon Leoza sur scène, pourra tenter de reproduire ce qu’il a vu et développer un talent nouveau qui va émerger dans quelques années. Ça nous assure une pérennité.

Érudit de musique néo-classique à saveur cinématographique, Simon Leoza évolue d’un album à l’autre depuis une dizaine d’années. Mon dernier album amène beaucoup de nouvelles choses, précise-t-il. Je l’ai enregistré avec beaucoup d'instruments. C’est du jazz, mais pas trop technique, assez accessible et ça a un petit côté indie aussi.

ACTE III, paru en mars, lui a permis de mettre sur pied un spectacle à grand déploiement. J’ai eu les ressources nécessaires pour faire du spectacle une œuvre à part entière, explique-t-il. Sur l’album, il y avait une vingtaine de musiciens, des voix et toute une orchestration et je voulais qu’on puisse ressentir ces dimensions-là en show.

La cueillette des nouveaux publics

Le spectacle de Simon Leoza mêle les projections et la musique pour créer un tracé narratif qui transporte le public dans l’univers de l’album. En festival, c'est un peu plus simple, mais je garde la base : je joue avec Blaise Borbën-Léonard et Pete Pételle, puis avec Estelle Frenette-Vallières à la création des éclairages, explique Simon.

La scène du Festival de jazz en est une d’importance pour un artiste qui porte ce genre de projet. Ça a toujours été comme un petit rêve d’y être, soutient-il. Je l'avais fait en 2021, mais c'était en formule COVID avec des gens qui devaient réserver de petits enclos pour regarder le show.

Cette année, il se laissait porter par un fier sentiment de prendre sa revanche en ayant la possibilité de jouer devant des gens qui passaient simplement par là.Je n’ai jamais été aussi sûr que ma musique fonctionne dans une programmation, affirme l'artiste. Avec la trompette et les percussions, le spectacle du nouvel album est vraiment en ligne directe avec ce que j’ai l’habitude d’aimer voir au Festival de jazz.

Le public qui se déplace de manière aléatoire et spontanée dans un festival, c’est une recette gagnante selon Simon Leoza qui est persuadé, comme Alex Nicol, que de tisser un lien avec de nouveaux auditeurs est l’une des plus grandes difficultés dans l’industrie en ce moment.

Son rêve de carrière? Faire une tournée en Europe. Je vais faire un spectacle en France pour la première fois au mois de septembre, dans un petit festival. Mais éventuellement, j'aimerais vraiment aller partager ma musique en Europe et, comme c’est principalement instrumental, j’y crois beaucoup.

Le musicien salue la créativité de l’équipe de programmation du Festival de jazz qui n’a pas peur d’oser les métissages et de prendre des risques.

Le Festival international de jazz de Montréal se poursuit jusqu’à samedi. Toute la programmation est disponible en ligne.

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