LE REGARD NOCTURNE D’ALIX FERNZ

Pour moi, le psychédélisme, c’est très brun, si c’était une couleur. Brun comme le rock des années 1970 ; le mien est plus de la couleur du cuir noir. Plus sur la drogue dure que sur l’acide », illustre l’auteur-compositeur-interprète Alix Fernz, jeune prodige de la scène underground montréalaise, qui lance aujourd’hui un premier album sous ce nom de scène, l’intempestif Bizou.

Les habitués de l’Esco, essentielle salle de spectacle de la scène montréalaise, l’auront tout de suite reconnu avec sa mâchoire tatouée sur le cou, lui qui est de service au bar les soirs bruyants (les meilleurs !).

La faune nocturne est une de ses sources d’inspiration : « Sur un peu plus de la moitié de l’album, je raconte des événements qui se sont déroulés durant mon adolescence, explique-t-il. Mon rapport à l’école privée où j’allais, ses règles, ses restrictions, mon rapport à la drogue, ma relation avec mes parents. L’autre moitié du disque s’inspire de ce que j’observe dans les bars. Certaines histoires de confrontations, souvent liées à la drogue, dont je parle beaucoup », par exemple sur la chanson Wax : « Tu te buzz en débarquant du bus / À la table avant le dîner / T’as pas le choix de le cacher / Sinon la daronne soupçonne », chante-t-il sur un groove à la fois bondissant et inquiétant, avant de conclure en promettant à la daronne « de ne pas recommencer ».

Récits adolescents, disions-nous. « Tout ce qui est du registre de la découverte de soi-même, j’ai fait ça plus jeune », confie Alix (Alexandre Fournier pour sa daronne). « J’ai tout essayé. Maintenant que c’est fait, je suis content de pouvoir dire que je me sens quelque part dans ma vie où je n’ai plus besoin de voir jusqu’où je peux me rendre là-dedans pour chercher à me sentir mieux. J’ai l’impression que tout ce que j’ai vécu plus jeune me permet aujourd’hui de mieux communiquer avec les gens. »

« Mes textes sont cette fois plus personnels et versent moins dans la fiction, poursuit le musicien. Comme dans la chanson Muselière, par exemple : je travaille encore avec la fiction, mais pour raconter des histoires que me sont réellement arrivées. J’aime mettre ensemble des textes plus durs, intimes, pas forcément tristes, mais raides, avec des musiques énergiques, j’aime créer ce genre de contraste. »

Spontané

Musicien autodidacte, il attrape la fièvre du rock durant cette tumultueuse adolescence, fondant à 16 ans son premier projet musical, Blood Skin Atopic, présentant en 2018 et 2019 pas moins de trois albums — deux en anglais, le dernier en français, intitulé Eczéma, sacré Meilleur album punk au gala des GAMIQ en 2020.

La suite de son histoire musicale aussi s’écrira en français, merci à Fred Fortin. « Dans le fond, mon parcours est classique : j’ai commencé à faire de la musique en anglais parce que mes références musicales étaient toutes anglophones », explique le musicien, fan absolu du groupe garage expérimental californien Osees (autrefois Thee Oh Sees) et de l’ensemble psych-rock australien King Gizzard & The Lizard Wizard.

« Or, j’ai fréquenté la fille de Fred quand j’avais 17 ou 18 ans — je ne savais même pas qui c’était au début de notre relation, poursuit-il. Je me suis mis à écouter ses albums, pour comprendre que ce n’était pas un p’tit cul ! Fred a eu une grosse influence sur moi. J’ai passé de beaux moments avec lui, à jammer dans son chalet. Il m’a fait découvrir tellement de musique, celle de Can, de Gong. En échange, je l’ai intéressé à King Gizzard, [Olivier] Langevin et lui ont capoté ! »

Il y a un peu de tout ça dans ce Bizou qui défie toute catégorisation. Mélange de punk, de chanson francophone, avec des ingrédients électroniques renvoyant au new wave. Un disque échevelé, spontané, explosif, qui frise parfois même la pop par la franchise de ses refrains.

« C’est vraiment un amalgame de tout ce que j’écoute, depuis que je suis tout petit, résume Fernz. J’écoute tellement d’affaires différentes, quoique mon but, comme compositeur, n’est pas de composer des chansons toujours différentes. C’est naturellement que j’assemble toutes sortes d’affaires musicales différentes. T’as remarqué en l’écoutant, ce côté spontané ? Les passages plus féroces, un peu krautrock, qui switchent sur quelque chose de plus pop ? Le plus difficile, c’est de m’arranger pour que ça fonctionne. »

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