«IRENA’S VOW»: UNE HéROïNE TRèS DISCRèTE

La Deuxième Guerre mondiale fait rage. En Pologne, Irena Gut, une étudiante en soins infirmiers, se voit réquisitionnée contre son gré par l’occupant nazi. Débrouillarde, résiliente, la jeune femme tombe dans l’oeil du colonel Rügemer, qui décide d’en faire la gouvernante de sa cossue résidence champêtre. Or, à l’insu de son employeur, Irena s’est faite la protectrice de douze personnes juives, qu’elle cache dans la cave de la villa. Entre un voisin trop curieux, des visiteurs inopinés et un Rügemer qui commence à s’intéresser d’un peu trop près à son employée, le danger croît. Basé sur une histoire incroyable mais vraie, Irena’s Vow (La promesse d’Irena) met en vedette Sophie Nélisse dans le rôle d’une très inspirante héroïne.

Une coproduction entre le Canada et la Pologne, où le film a été tourné, Irena’s Vow doit être vu pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’excellente Sophie Nélisse, révélée toute petite dans Monsieur Lazhar et appréciée tout récemment dans la série Yellowjackets, livre une performance extrêmement sentie dans le rôle principal.

L’actrice québécoise se révèle habile, entre autres, à conjuguer calme apparent et anxiété sous-jacente lors des nombreux moments où le subterfuge de son personnage risque d’être découvert. On songe également à ces passages où les horreurs de la guerre sont évoquées par l’entremise des réactions d’Irena : la séquence où un nazi s’empare d’un bébé dans la rue est quasi insoutenable même si, techniquement, c’est surtout le visage effaré puis traumatisé d’Irena qui est montré.

Il s’agit là d’un choix de mise en scène avisé : le film en contient plusieurs. Rien d’étonnant à cela, puisque Irena’s Vow a été réalisé par Louise Archambault, cinéaste émérite à qui l’on doit notamment Gabrielle et Il pleuvait des oiseaux : elle constitue une autre raison de voir le film.

Derrière la caméra, dans un contexte difficile détaillé dans l’entrevue qu’elle nous accordait la semaine dernière, la réalisatrice insuffle émotion et urgence à des situations parfois mécaniquement écrites par Dan Gordon, qui a adapté sa propre pièce. Épaulée par Paul Sarossy à la direction photo (The Sweet Hereafter/De beaux lendemains), Louise Archambault a su créer un film de plus en plus étouffant, de plus en plus anxiogène.

L’action débute ainsi en ville, avec un spectre d’action plus large, notamment dans les rues et à l’hôpital, puis, dès lors que l’intrigue se transporte dans la propriété de Rügemer, le confinement s’amplifie. À mesure que l’étau se resserre sur Irena et ses compagnons d’infortune dissimulés dans un réduit secret, le coeur se sert et le souffle se fait court.

Héroïsme au féminin

Enfin, Irena’s Vow doit être vu parce qu’il s’agit d’un trop rare film consacré non pas à un vrai héros, mais à une vraie héroïne de la Deuxième Guerre mondiale. Au cinéma, ces récits-là sont très majoritairement conjugués au masculin, qu’ils saluent la bravoure d’un Oskar Schindler dans Schindler’s List (La liste de Schindler), d’un Nicholas Winton dans One Life (Une vie) ou, le plus souvent, de soldats sur le champ de bataille.

De fait, la liste des films basés sur de réels faits d’armes survenus durant la guerre de 1939-1945, la plus fréquemment revisitée par Hollywood, est sans fin. Et tous ces hommages couchés sur pellicule ou disque dur sont justifiés, cela va de soi.

Il n’empêche, s’il est un constat qui s’impose après avoir vu Irena’s Vow, c’est que l’héroïsme des femmes durant ce conflit demeure trop peu abordé au cinéma. Même la principale intéressée, Irena Gut Opdyke de son nom subséquent, ne rendit publique son histoire que trente ans après les faits, afin de contrer le mouvement négationniste, et non pour sa propre gloire : une héroïne très discrète, c’est le cas de le dire.

À l’issue du film de Louise Archambault, on pourra se demander combien d’autres Irena continuent d’être ignorées par l’Histoire, et par le cinéma.

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