«ESQUIVE»: CéLéBRER L’ART DU TRAMPOLINE

Du 24 au 28 avril, Gaëtan Levêque présentera sa nouvelle création, Esquive, à la Tohu, puis, du 2 au 4 mai, au Diamant, à Québec. Hommage au trampoline qui l’a fait vibrer pendant plus de vingt ans, cette oeuvre met en scène six acrobates, remet en question la gravité et souligne le besoin de communauté. Une façon pour l’artiste de conclure cette partie de sa vie professionnelle et de passer à la suivante.

« J’avais besoin d’une transition, de créer quelque chose avec mon agrès, mon compagnon, le trampoline, avec lequel j’ai traversé plus de 20 ans de ma vie », raconte Gaëtan Levêque. Ainsi, c’est en 2016 qu’il commence à penser à une création, dont il dévoile au public une première version début 2020.

Après les années pandémiques, le spectacle reprend sa tournée et, pour la toute première fois, la compagnie Le Plus Petit Cirque du monde, dont M. Levêque est le responsable du pôle artistique, atterrit au Québec. « Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de se produire ici, dit-il. Et le trampoline a une place plus importante chez vous qu’en France. » En effet, utilisé tout d’abord uniquement par les gymnastes, le trampoline n’a migré vers le monde du cirque qu’à la fin des années 1990. Le Cirque du Soleil fut d’ailleurs parmi les premiers à intégrer cette discipline dans ses créations. « En France, ça a pris plus de temps, se souvient M. Levêque. Le trampoline était utilisé dans une écriture contemporaine, autour de la danse, souvent même, mais moins dans la technique. »

Pour Esquive, Gaëtan Levêque s’est entouré d’artistes polyvalents, dont certains qu’il avait formés il y a plus de dix ans. « La boucle est bouclée ! C’est vraiment agréable de les retrouver dans cette démarche et c’est fort sur le plan symbolique pour moi », ajoute-t-il.

Sur scène, on trouve six artistes formés en mât chinois, en bascule coréenne, en trampoline de gymnastique et en voltige en général, mais qui ne sont pas spécialisés dans le trampoline de cirque. Pendant trois mois, ils ont donc travaillé à intégrer les particularités de cet agrès. « Comme pour beaucoup d’autres disciplines, il y a une liberté, mais aussi une dose d’adrénaline qui viennent avec le trampoline. Contrairement à la bascule qui est très verticale, le trampoline est un espace aérien très ouvert, qui permet d’arriver ailleurs que sur nos pieds. Ça ouvre les possibilités, les directions, les déplacements, et donc la qualité des mouvements », explique M. Levêque.

De plus, l’artiste doit avoir un regard plus périphérique et une grande conscience corporelle, selon le metteur en scène. « Il faut savoir à quelle hauteur on se trouve, dans quelle position et à quelle vitesse. La toile du trampoline renvoie l’acrobate avec l’énergie qu’il y dépose. S’il n’est pas bien sur ses deux pieds, il sera renvoyé avec imperfection, de travers parfois. C’est un dialogue entre l’état du corps et le trampoline », poursuit le passionné.

Initialement formée de quatre hommes et de deux femmes, la création Esquive s’avère désormais exclusivement masculine. Une situation qui n’était pas voulue par Gaëtan Levêque, mais les deux artistes féminines se sont malheureusement blessées un mois avant la première représentation. Et à la dernière minute, il était difficile de trouver des remplaçantes. « C’est une discipline encore très genrée. Je pense que le trampoline est pratiqué par 98 % d’hommes. Donc, j’ai cherché des femmes, mais ça a été très compliqué. Les écoles de cirque ont un rôle à jouer là-dedans. Il faut que ça change », affirme-t-il.

Travailler les états de corps

Dans sa recherche initiale pour Esquive, Gaëtan Levêque n’accordait pas vraiment de place à une histoire précise. Il s’agissait davantage de rendre hommage à son agrès favori, pour montrer toutes ses possibilités techniques et artistiques. Mais au fil du processus de création, l’ancien artiste de cirque a développé sa dramaturgie. « Travailler les émotions, les états de corps et les états d’être m’a permis d’écrire la dramaturgie. À quel moment esquive-t-on le danger, la chute, la gravité, [le moment] où on doit faire face à quelqu’un ? » décrit-il.

L’aspect du collectif a aussi beaucoup compté pour lui dans son écriture. « On sent les moments ensemble, la bienveillance et l’importance du fait que chacun est là, au service de l’autre. On porte ensemble quelque chose, on gravit des murs ensemble. Quelque chose se raconte entre eux », ajoute-t-il. Enfin, chaque interprète a aussi un solo, où il raconte ce qu’il est, ce qu’il porte à l’intérieur, explique le metteur en scène.

« Je passe par plusieurs gammes d’émotions quand je regarde le spectacle, alors je pense que ça peut se transmettre aussi aux spectateurs », espère Gaëtan Levêque. Avec Esquive, il souhaite créer un moment de détente et même donner l’envie de tester le trampoline aux spectateurs. « On arrive à un spectacle et on oublie nos soucis, le travail, etc. Sur leur siège, je ne veux pas que les gens aient peur, conclut-il. Je veux qu’ils sentent la douceur, la liberté, la légèreté que le trampoline peut procurer. J’aimerais aussi que le collectif, le groupe de personnes qu’on voit sur le plateau, donne une envie de solidarité, de bienveillance entre nous. »

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