CINéMA - LA BONNE éTOILE D’ÉMILIE GOULET

Lors de sa sortie, en 2015, le film d’animation Inside Out (Sens dessus dessous), qui raconte l’histoire de la jeune Riley et des cinq émotions — Joie, Tristesse, Peur, Dégoût et Colère — qui se disputent une place dans son cerveau, a connu un succès foudroyant. Cumulant plus de 800 millions de dollars au box-office, récompensé par l’Oscar du meilleur film d’animation, le long métrage est rapidement devenu un classique du genre.

La Québécoise Émilie Goulet, qui fait partie de la prestigieuse équipe d’animation des studios Pixar, se pince encore quand elle pense qu’elle a eu la chance de travailler sur le deuxième volet de ce film culte. « C’est drôle de travailler sur un film et de ressentir exactement ce dont il parle : l’anxiété de performance. La barre est haute. Les gens aiment l’univers et attendent cette suite avec impatience. On veut livrer quelque chose d’aussi extraordinaire. »

Comme plusieurs d’entre nous, Émilie Goulet est tombée dans la marmite du cinéma d’animation à un très jeune âge. Or, en dépit de l’adolescence, des modes et du passage à l’âge adulte, elle n’en est jamais sortie. Sur le mur derrière elle, dans l’appartement qu’elle occupe à Los Angeles, trône par ailleurs une affiche du film Sleeping Beauty (1959). « C’est mon film préféré, avec Fantasia (1940), le tout premier que j’ai vu au cinéma. J’en ai encore des frissons quand j’y pense. »

Il a cependant fallu une bienfaisante rencontre avec un conseiller d’orientation perspicace, en cinquième secondaire, pour qu’elle songe à en faire un métier.

Diplômée du baccalauréat en cinéma d’animation de l’Université Concordia en 2001, Émilie Goulet a d’abord travaillé chez Cinar, avant de se tourner vers l’industrie du jeu vidéo. « En cinéma, à l’époque, on travaillait encore avec des techniques classiques d’animation. Le jeu vidéo m’a permis de me former à l’animation par ordinateur. Mais mon rêve suprême était de travailler dans le milieu du film. »

Le délicat travail de préproduction

Arrivée chez Pixar en 2016, elle a notamment pu collaborer aux films Incredibles 2 (Les Incroyable 2), Toy Story 4 (Histoire de jouets 4), Onward (En avant) et Soul (Âme). Inside Out 2 (Sens dessus dessous 2) représente toutefois un jalon spécial dans sa carrière. En effet, c’était la première fois qu’elle travaillait en préproduction. Elle a notamment participé à l’élaboration d’un nouveau personnage — Ennui — qu’ont par la suite utilisé les autres animateurs dans leur séquence respective.

« Avec une toute petite équipe d’animateurs, j’ai été mise en partenariat avec un artiste qu’on appelle un caricaturiste, dont le mandat est de bâtir la marionnette numérique du personnage. Mon rôle, c’était de tester cette marionnette pour m’assurer qu’elle était prête pour les scènes d’animation. C’est un travail plus technique, mais extrêmement stimulant, parce que ça permet de comprendre encore plus comment les autres départements travaillent, comment ils communiquent. Ça donne un autre niveau d’appréciation. »

L’animatrice, qui dit être une grande admiratrice des oeuvres de l’Office national du film du Canada, était aux premiers rangs afin d’élaborer les scènes d’introduction d’Ennui. « J’ai vite saisi à quel point on a besoin de peu pour communiquer ce sentiment. Mes premières versions bougeaient beaucoup trop. On a épuré, épuré, jusqu’au résultat final. »

En tout, près d’une centaine d’animateurs ont travaillé à un moment ou à un autre à animer les attachants personnages qui peuplent la tête de Riley. Cette dernière, désormais âgée de 13 ans, est invitée à participer à un camp d’entraînement de l’équipe de hockey de l’école secondaire à laquelle elle est inscrite pour l’automne, avec ses deux meilleures amies. Excitée et motivée, la jeune fille se voit freiner dans son élan par un invité importun : la puberté.

Ainsi, ses émotions de base sont désormais mises au rebut par Anxiété, Envie, Ennui et Embarras, qui — on l’aura deviné — feront de gros dégâts en tentant de réécrire l’identité de Riley afin de s’assurer qu’elle fera partie de l’équipe et qu’elle ne se retrouve pas seule et isolée dans sa nouvelle école.

En plus d’avoir participé à l’élaboration d’Ennui, Émilie Goulet garde un vif souvenir de son travail sur une séquence très drôle dans laquelle Riley se glisse par erreur entre les dents le protecteur buccal d’une coéquipière — suscitant une vive réaction de Dégoût.

« C’était vraiment excitant d’animer un personnage légendaire comme Dégoût, et de travailler avec des gens qui l’ont conçu et que j’admire énormément. » Émilie Goulet insiste pour dire que l’animation est d’abord et avant tout un travail d’équipe. « On ne travaille pas seuls dans notre coin. On montre différentes versions de notre scène en réunion, et tout le monde commente et apporte ses idées. Les animateurs, nous sommes un peu le premier public du film. Si une blague tombe à plat, on la retire. Au contraire, si on rit encore après dix visionnements, on sait qu’on tient quelque chose. C’est un processus très joyeux. »

L’animatrice a par ailleurs très hâte de revenir à la maison, à Montréal, pour continuer de répandre cette joie et visionner le film en salle avec ses proches. « Je suis certaine que ce sera un peu magique », lance-t-elle, des étoiles plein les yeux.

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